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La Balançoire

    En Mars dernier, une jeune femme est venue au boulot pour se renseigner à propos de cours pour sa fille. Jusque-là rien d’inhabituel, sinon son apparence.

    Voyez-vous, au Japon, l’habit à tendance à faire le moine. Et la jeune femme en question avait un look qui n’a, non seulement rien à voir avec celui habituel de la “mère”, mais qui en plus tendait plutôt vers celui de “jeune femme fêtarde, célibataire, pauvre, sans éducation et très certainement facile.”
    Oui, parfois, dans ce pays, on peut deviner beaucoup du background d’une personne juste par son apparence physique (ailleurs aussi, mais ici, plus, je trouve).

    Maintenant, point de méprise, loin de moi l’idée de juger les choix faits par cette femme quant à la façon de vivre sa vie. Surtout que je suis presque sûr que certains choix n’ont pas dû en être.
    Disons que son apparence jurait pas mal par rapport aux autres mères de l’école, surtout que celle-ci est située dans un quartier plutôt bourgeois et qu’elle attire des familles appartenant plutôt aisées.
    Le seul commentaire personnel que je me permets d’émettre à son sujet, c’est qu’en général – et je précise bien “en général” – j’ai toujours de forts doutes sur la capacité qu’ont ces jeunes femmes-là à être mères et à élever correctement leurs enfants. Mais une fois de plus, je ne sais rien d’elle, dont pas de jugement hâtif et mal informé.

    Elle commença à nous parler un peu de sa fille, Lena, 5 ans et très probablement atteinte du syndrome d’Asperger ou autre trouble similaire.

    Nous l’invitâmes – comme c’est la norme – à venir prendre part à une classe et voir comment ça se passe, ce qu’elle fit quelques jours plus tard.

    Ce jour-là, j’ai rencontré une petite fille adorable, d’une gentillesse extrême (nous nous sommes presque attachés l’un à l’autre en moins d’une heure – ça arrive parfois avec certains enfants) d’une intelligence toute aussi extrême – elle apprenait tout presque instantanément. Mais aussi une petite fille hyperactive et complètement incapable de se concentrer ou de se focaliser sur la même chose plus de quelque secondes.

    Quant à la mère, je la sentais dépassée, pas juste pendant cette classe d’essai, mais dans sa vie, tout simplement. Qui ne le serait pas ? Mais probablement encore plus dans son cas, comme je le soupçonnais déjà lors de notre première rencontre, je ne suis pas sûr qu’elle ait la maturité nécessaire pour être mère, ni peut-être l’intelligence pour gérer une telle enfant.

    Après la classe et une brève discussion, elles partirent pour ne jamais revenir. Il était malheureusement clair que notre méthode d’enseignement n’était pas adaptée à la petite Lena (mais y a-t-il une méthode “normale” qui le soit ?). Nous avons bien deux étudiants dans des situations similaires, mais l’un (14 ans) suit des cours particuliers, l’autre (4 ans) arrive à fonctionner sans problème dans le cadre d’une classe avec d’autres enfants de son âge.

    Sans pouvoir le leur dire expressément, je leur souhaitais du fond du cœur la meilleure des vies possibles, tout en sachant que la route serait difficile.

    Il y a quelques jours, alors que je marchais près du terrain de jeux de mon quartier, à une heure où il est habituellement vide, les enfants étant à l’école, je les vis toutes les deux.

    Lena faisait de la balançoire, elle riait de tout son cœur, comme tout enfant de son âge s’amusant follement dans un parc. Sa maman la poussait. Elle semblait heureuse, elle aussi, ne serait ce que pendant ces quelques minutes durant lesquelles l’univers se limitait à cette balançoire et à cette petite fille adorable riant.

     

    Balancoire

     

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