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Remué, pas Secoué !

     

    Si je sors de mon lit aujourd’hui, c’est pour rectifier un des plus gros malentendus de l’histoire de la mixologie, de la littérature d’espionnage et du cinéma populaire.
    Je veux parler de l’embarrassant James Bond.

    Ian FlemingVoyez-vous, quand Ian Fleming écrivit la tristement célèbre ligne « shaken, not stirred » (« secoué, pas remué » pour les réfractaires à l’anglais parmi vous) dans Diamonds are Forever, il voulait souligner que sa création était tatillonne sur la façon dont ses boissons lui étaient préparées et servies. Une façon comme une autre de caractériser son personnage comme étant un connoisseur. Sauf que Fleming fait là un faux-pas majeur. Certains disent que c’est parce que bien que grand buveur, il est justement loin d’être lui-même connoisseur, d’autres disent que justement c’était un indice pour indiquer que James Bond lui-même était un rustre qui essayait de se faire passer pour quelqu’un de distingué. Quoiqu’il en soit, l’un des deux, avait très mauvais goût en matière de mixologie (comme l’atteste aussi cette grossièreté de Vesper dans Casino Royale).

    L’incident aurait pu s’arrêter là, mais tout s’est aggravé quand il fut question d’adapter les aventures de l’agent secret au cinéma. Les producteurs – certainement complètement ignares en matière de mixologie eux aussi – reprirent l’expression au point d’en faire le gimmick qu’elle est devenue aujourd’hui. Malheureusement, le grand public s’amouracha de l’expression et pensa que tout homme distingué se devait de boire ses martinis secoués et pas tournés, il crut même que c’était ça la super classe.

    Et voilà, le mal était fait…

    Des générations de fans de l’espion au service de sa Majesté allaient commander une telle erreur de bon goût et pire, des barmans connaissant bien mal leur métier allaient les leur préparer au lieu de les remettre dans le droit chemin, comme toute personne avec un minimum de déontologie se devrait de faire.

    Où est le problème ?

    Me demandera toute personne peu au fait de la chose.

    C’est pourtant simple. Vous voulez que votre martini soit aussi raffiné que possible. Vous voudrez aussi qu’il soit aussi froid que possible, et l’usage des glaçons sera nécessaire pour cela.

    Sauf que… Que va-t-il se passer si vous secouez votre mélange gin + vermouth + glaçons ?

    Les glaçons vont se briser et fondre rapidement et ce qui sera servi dans votre verre sera un mélange gin + vermouth + eau. Votre mixture sera donc totalement noyée et imbuvable.
    Alors que si vous remuez le mélange, celui-ci sera refroidi de manière satisfaisante, la fonte des glaçons sera minimale et ceux-ci ne dilueront pas votre cocktail, surtout que vous passerez ensuite le mélange gin + vermouth dans le verre à martini, en laissant les glaçons dans le verre à mélange.

    Si vous avez encore des doutes, je ne peux que vous suggérer d’essayer les deux et de comparer.

    Pour être complet, on notera aussi que l’usage du shaker sera tolérable pour donner plus de texture au dirty martini, mais uniquement si vous savez exactement ce que vous faites.
    Pour la version extra-dry du cocktail, la question ne se pose bien sûr pas.

    Bien entendu, après tout cela, je serais malotru si je vous quittais sans vous donner les recettes des divers martinis.

    Pour toutes ces recettes, notez que :

    – Le verre à martini sera préalablement rempli de glaçons et d’un peu d’eau pour le refroidir pendant la préparation. Ce mélange eau+glace sera bien entendu jeté avant que le verre ne soit rempli par le cocktail lui-même.

    – Qu’il soit frappé ou remué, cela sera bien entendu effectué avec des glaçons.

    – Pour rappel, « passer » signifie « servir le cocktail dans le verre à travers une passoire à cocktail » pour que la glace reste dans le shaker ou le verre à mélange.

     

    Martini

     

    Dry Martini
    5cl de gin (ou de vodka).
    1cl de vermouth dry.
    Remuez rapidement de haut en bas dans un verre à mélange avec des glaçons.
    Passez dans un verre à martini.
    Ajoutez deux olives dénoyautées et bien égouttées (et sans rien à l’intérieur !) ou un zeste de citron (préalablement légèrement frotté et pressé sur l’intérieur du verre).

     

    Pour un Basic Martini, on mettra plutôt 2cl de Vermouth.
    On notera toutefois que de nos jours, les martinis se préparent de plus en plus dry, et que l’on peut aller jusqu’à 9/10e de gin ou vodka pour 1/10e de vermouth dry.
    Mais pour un véritable Extra Dry Martini, la recette suivante sera préférée :

     

    Extra Dry Martini
    Lavez des glaçons dans un verre à mélange avec du vermouth dry.Jetez le vermouth (mais gardez les glaçons bien entendu).
    Versez 6cl de gin (ou de vodka) dans le verre à mélange.
    Remuez rapidement de haut en bas.
    Passez dans un verre à martini.
    Ajoutez deux olives ou un zeste de citron.

     

    Dirty Martini
    1 mesure de vodka.
    1/4 mesure de vermouth dry.
    1/2 mesure de saumure d’olive.
    Frappez au shaker (très brièvement donc).
    Passez dans un verre à martini.
    Ajoutez deux olives dénoyautées (et sans rien à l’intérieur !)

     

    Sur ce, je vous laisse, ça m’a donné soif ces histoires.

     

    Sources:
    – Mister ID & Djigen qui m’ont appris tout ce que je sais de l’art de la mixologie.
    – Harry McElhone – « Harry’s ABC of Mixing Cocktails »

     

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