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Non, ce n’est pas caïman pareil !

     

    Ça y est ! C’est le mois d’août, c’est les vacances et certains d’entre vous ont déjà jeté leur maillot de bain dans leur valise et s’apprêtent à sauter dans le prochain vol pour la Floride !

    À ceux-là, je me dois de dire : « Ouhla ! Pas si vite ! »

    Bon déjà, le mois d’août n’est pas forcément le meilleur mois de l’année pour visiter la Floride. C’est d’ailleurs valable pour n’importe quelle région tropicale. Ceux qui ont déjà passé une journée par 35°C à l’ombre avec près de 100% d’humidité savent de quoi je parle. Ceux qui connaissent le concept de « saison des pluies » aussi. (On m’informe que Fyly est dans l’une de ces régions depuis hier, souhaitons-lui donc bonne chance).

    Mais ce n’est pas de pluie et de beau temps dont je veux vous parler aujourd’hui, c’est de l’un des autres nombreux dangers de la Floride.

    En effet, vous ne vous rendez pas compte ! À partir ainsi en Floride sans préparation, vous prenez de gros risques, de très gros risques même. Peut-être pas au point d’y perdre la vie, mais y perdre un bras ou une jambe, ça oui, sans problème.

    Car si la Floride, pour les plus frimeurs, les plus fainéants et les plus amateurs de clichés d’entre vous, ça se résumé à sea, sex and sun, sachez que c’est aussi une région possédant une nature sauvage extrêmement riche, parfois surprenante pour un Européen, et pas toujours sans danger.

    Il se trouve que c’est cet aspect-là de la Floride qui m’a toujours le plus intéressé quand j’y vivais. Je me permets donc de vous en parler un petit peu aujourd’hui et de vous donner quelques conseils et avertissements dans l’espoir qu’un jour vous suiviez mes traces ; c’est-à-dire que vous quittiez cet endroit très surfait qu’est South Beach et que vous vous plongiez au cœur des Everglades, voire dans d’autres marais moins célèbres, mais tout aussi passionnants.

    Je laisse les requins, les stingrays, les serpents et certaines plantes vénéneuses de côté pour le moment pour me consacrer aujourd’hui à mes reptiles préférés : les alligators !

    Alligators à Homossasa Springs, Floride

    Commençons par le commencement, c’est-à-dire une chose qui m’agace au plus haut point : le fait que trop de gens amalgament alligators et crocodiles (et je ne vous parle même pas des caïmans et autres gavials).

    Il faut que cela cesse, d’ailleurs Gator est tout penaud en ce moment car l’autre jour quelqu’un l’a pris pour un Australien (donc un crocodile)

    Donc aujourd’hui, je vais vous apprendre comment reconnaître un alligator et comment le distinguer d’un crocodile.

    Profitons-en au passage pour exploser le premier cliché : Non, un alligator ce n’est pas vert !
    En effet, sa peau est plutôt d’un gris très foncé pouvant parfois paraître vert sous certaines luminosités et dans certaines eaux, mais aussi complètement noir sous d’autres.
    Un crocodile, lui, sera de couleur plus claire, tirant sur les ocres verdâtres, avec bien souvent plusieurs variations selon les différentes parties du corps. Les alligators eux, sont en général monochrome (sur le dessus du moins, le ventre lui sera toujours très clair, presque blanc).
    Sauf dans leurs jeunes années, où là, les alligators sont rayés de jaune. C’est l’époque de leur vie où ils ont encore des prédateurs (bien souvent des alligators adultes) et cela leur permet de se dissimuler plus facilement parmi les herbes des marais ; et même si ces rayures disparaissent une fois l’âge adulte atteint, il peut parfois en rester des traces longtemps après la puberté.

    Avant d’aller plus loin, j’en vois certains jaser au fond.

    Oui ?

    Quoi ?

    Ah… Vous dites que cela ne sert à rien de savoir distinguer ces deux animaux parce que d’une, ils ne vivent pas aux mêmes endroits du globe, et de deux, une rencontre avec l’un ou avec l’autre sera toute aussi douloureuse.

    Je vois…

    Et bien sachez que vous vous méprenez dans les deux cas.

    Premièrement savoir distinguer ces deux animaux ne trouve pas uniquement son utilité dans les réceptions guindées pour y impressionner les bourgeoises en mal de sensations fortes. Il y a un autre endroit où cette information est des plus utiles : c’est à l’extrême sud de la Floride, à savoir, la seule région au monde où les deux animaux cohabitent dans la nature.

    Mais sachez que ce savoir est utile pour une deuxième raison. Il peut tout simplement vous sauver la vie. Car on ne se comportera pas de la même façon face à un alligator et face à un crocodile. Et surtout, un crocodile et un alligator ne se comporteront pas de la même manière face à vous.
    Mais avant de parler de la psychologie de ces charmants animaux (vous pouvez lire tout cela dans un autre article), continuons à être superficiels et à nous intéresser à leur apparence.

    Nous savons donc que les deux animaux n’ont pas la même couleur, mais ce n’est pas tout. Laissons de côté le fait qu’ils ont des tailles différentes à âge égal, parce que de vous à moi, je ne vous vois pas demander son âge à un de ces animaux. Intéressons-nous plutôt à leur tête. Et là aussi, je vous entends encore : « pfff, ils sont moches tous les deux ». Alors là, je vous arrête tout de suite ! Tout d’abord, c’est très insultant pour eux, et ensuite, la beauté est un concept des plus subjectifs. Alors je vous prierai de garder ces commentaires désobligeants pour vous.

    Par contre, si vous regardez leurs têtes avec toute l’objectivité que j’attends de vous, vous remarquez quoi ?

    difference alligator crocodile

    Exactement !
    Vous remarquez que le crocodile a un museau bien plus fin.
    Cela ne s’arrête pas là. Regardez ces dentitions :

     

    Chez le crocodile c’est le bordel, ça sort de tous les côtés, on ne s’y retrouve pas.
    Chez l’alligator, seules les dents de la mâchoire supérieure dépassent de la bouche quand celle-ci est fermée.
    Et quel autre animal à cette particularité ?
    Exactement ! Le lapin ! Ce qui rend notre alligator tout de suite plus sympathique, ne trouvez-vous pas ? Il a au moins un point commun avec le lapin, ce qui est bien plus que le crocodile.

    Nous allons voir que ces différences morphologiques ont leur influence sur la façon dont ces animaux se nourrissent, et indirectement sur leur psychologie en général. En effet, les comportements et styles de vie de ces deux animaux sont très différents. Je vous passerai les détails qui ne nous concernent pas directement et qui ont plutôt trait à leurs vies privées, comme le fait que les crocodiles américains ne rechignent pas à traîner dans les eaux saumâtres alors que nos amis les alligators ne se baignent que dans de l’eau douce, pour me concentrer sur leurs régimes alimentaires et leurs techniques de chasse.

    Les deux animaux ont certes à peu près le même régime alimentaire – carnivore bien évidemment – mais ils n’attrapent pas leurs proies de la même manière.
    Vous avez tous vu les documentaires où le crocodile du Nil attend patiemment dans l’eau boueuse que le gnou inconscient vienne boire juste à côté de lui pour se faire attraper par surprise par le reptile qui noiera sa victime pour s’en repaître plus tard ?
    Pour mémoire :

    Et bien notre crocodile américain chassera de la même manière, même s’il faut bien l’avouer, il est moins féroce que ses homologues africains et surtout australiens, et la plupart du temps, il attrapera surtout de gros poissons qui passent par là.

    Mais pour pouvoir ainsi attraper et maintenir de grosses proies pendant de longues minutes durant lesquelles elles vont se débattent parce qu’elles n’ont pas vraiment envie de se faire manger, il faut avoir tout un tas de dents qui partent un peu dans tous les sens et qui feront office d’autant d’hameçons. Le museau plutôt fin, quant à lui, servira une fois la proie morte, pour arracher plus facilement les morceaux de viande difficiles d’accès – entre deux os par exemple – voire pour les plus gourmets d’entre eux, de pouvoir plus facilement choisir les meilleurs morceaux parmi les différents organes internes dans la cage thoracique ; un peu comme moi quand je mange un poulet rôti, je mange toujours le gésier en premier.
    Bien entendu, un humain passant à proximité d’un crocodile sera considéré comme un repas potentiel par celui-ci.

    L’alligator lui, chasse uniquement dans l’eau. Il n’est pas con l’alligator. Dans l’eau, il se meut avec facilité, rapidité, certains diront même avec grâce, et bien peu de choses peuvent lui résister. Hors de l’eau, sa proie aura beaucoup plus de chances de lui échapper.
    Toutefois, ne pensez pas pouvoir fanfaronner à côté d’un alligator hors de l’eau sans danger. S’il ne chasse pas hors de l’eau, cela ne veut pas dire qu’il y est inoffensif et il vous attaquera sans hésitation s’il se sent menacé. Exemple de comportement qu’il considérera comme une menace : fanfaronner à côté de lui.

    Mais revenons-en à la chasse de l’alligator. Contrairement, à son cousin qui attrapera tout ce qui bouge, même hors de l’eau, en essayant de le noyer ensuite si c’est trop gros, l’alligator ne s’attaquera qu’à des proies relativement petites, c’est-à-dire des proies qu’il peut tuer -ou du moins rendre hors d’état de nuire- en un coup de mâchoire. Car, voyez-vous, la mâchoire de l’alligator à cette particularité qu’elle est la plus puissante du règne animal et qu’elle peut exercer jusqu’à environ une tonne de pression chez les adultes.

    Maintenant, il faut toutefois mettre les choses en perspective. L’alligator n’est pas un parangon d’intelligence et lui aussi, quand il chassera il aura tendance à chasser tout ce qui passera à sa portée – mais dans l’eau – et il peut arriver que de gros mâles attrapent des animaux bien plus gros qu’un raton laveur. En gros : s’il a faim et que ça trempe dans l’eau, il va l’attaquer. Il se trouve juste qu’il y aura plus souvent des poissons que des ratons laveurs à portée de sa bouche, et plus souvent des ratons laveurs que des panthères de Floride.

    Et les humains ? Et bien les humains aussi peuvent être des victimes collatérales.
    Pas tous les jours, certes, mais c’est quand même arrivé 13 fois (dont 12 en Floride) au cours des dix dernières années. Et là, même si je mentionne les décès, ce que vous risquez le plus si vous vous faîtes attaquer par un alligator, c’est surtout de perdre un membre. Vous vous souvenez, la mâchoire, une tonne de pression, tout ça : une véritable guillotine. En moins propre.

    C’est pour cela que dans mon prochain article, maintenant que vous savez distinguer un crocodile d’un alligator, je vous parlerai de ce qu’il faut faire – et surtout ne pas faire – si vous rencontrez un alligator.

    Lire l’article suivant :

    Close Encounter of the Alligatoridae Type

     

    (sources photos: Encyclopedia Britannica et ma collection personnelle)

     

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